L’ACIFA offre le webinaire « Réglementation fondée sur des principes (RFP), émergence du pouvoir de réglementation et collaboration : une synergie fructueuse ou une tension dynamique pour les régulateurs en matière d’assurance du Canada ».
Le 3 mai 2022, l’ACIFA a organisé un webinaire qui a attiré de nombreux participants : « Réglementation fondée sur des principes (RFP), émergence du pouvoir de réglementation et collaboration : une synergie fructueuse ou une tension dynamique pour les régulateurs en matière d’assurance du Canada ». Deux grands experts canadiens ont participé au groupe de discussion : Mme Cristie Ford, Ph. D., professeure titulaire à la Peter A. Allard School of Law de l’Université de la Colombie-Britannique, et M. Stuart Carruthers, associé chez Stikeman Elliott et membre des groupes Assurance et réassurance, Produits et services financiers, et Fusions et acquisitions, et avocat avec lequel l’ACIFA a déjà collaboré.
Plus de 100 personnes se sont inscrites au webinaire, dont plus de 45 représentants d’organismes de réglementation et de décideurs politiques, ainsi que 14 représentants de l’ARSF. Des représentants des organismes de réglementation suivants se sont inscrits au webinaire :
- le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest;
- la British Columbia Financial Services Authority;
- le ministère des Finances de la Colombie-Britannique;
- l’Insurance Council of BC;
- le gouvernement de l’Alberta;
- le ministère des Finances de l’Alberta;
- l’Alberta Insurance Council;
- la Financial and Consumer Affairs Authority of Saskatchewan;
- les Insurance Councils of Saskatchewan;
- l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF);
- le ministère des Finances de l’Ontario;
- l’Autorité des marchés financiers;
- la Commission des services financiers et des services aux consommateurs du Nouveau-Brunswick;
- les Organismes canadiens de réglementation en assurance (OCRA);
- le Bureau du surintendant des institutions financières.
La professeure Ford a commencé le webinaire en déclarant que la réglementation fondée sur des principes (RFP) pouvait être considérée comme une « nouvelle approche » de la réglementation, et elle a défini quatre caractéristiques d’une telle approche. La première était que davantage de dispositions réglementaires se situaient à un niveau de généralité plus élevé afin de permettre une certaine flexibilité. Par exemple, il ne faut pas dire « ne conduisez pas à plus de 50 km/h » (ce qui est une règle), mais plutôt « vous devez conduire de manière prudente et raisonnable » (ce qui est un principe). De plus, lorsqu’une nouvelle exigence est créée, la première approche ne devrait pas être de développer une nouvelle règle, mais plutôt de voir si les règles en vigueur peuvent être appliquées dans cette situation.
Deuxièmement, la réglementation fondée sur des principes prend tout son sens dans un environnement où les changements et la complexité sont plus importants et où un ensemble de règles ne suffit pas dans tous les cas. Dans ce type d’environnement, les organismes de réglementation peuvent avoir de la difficulté à établir des règles adéquates et à obtenir les informations dont ils ont besoin pour créer des règles efficaces et adaptables à des circonstances en constante évolution. Dans un environnement de réglementation fondé sur des principes, en revanche, l’organisme de réglementation définit le contexte général, et l’industrie se charge des détails.
La troisième caractéristique est que la réglementation fondée sur des principes est plus efficace lorsqu’elle est axée sur les résultats et les données. Cette caractéristique implique une consultation et un dialogue permanents avec l’industrie afin de s’assurer que les principes sont compris et respectés. Quatrièmement, la collaboration est essentielle à la réussite de ce modèle, mais les organismes de réglementation doivent être en mesure de faire respecter les règles en cas de besoin. De manière générale, ce modèle est plus efficace dans de nombreux cas que la création de règles, pour lesquelles l’industrie peut essayer de trouver une faille, que l’organisme de réglementation tente ensuite de combler. La réglementation fondée sur des principes implique davantage que l’industrie et les organismes de réglementation collaborent pour atteindre un objectif commun. La professeure Ford a ajouté que la règle relative aux actes ou pratiques malhonnêtes ou mensongers, créée par l’ARSF, est un exemple de réglementation fondée sur des principes. En effet, la règle ne compte que huit pages et est fondée sur des concepts larges et ouverts.
Stuart Carruthers a commenté la RFP et sur la relation avec le traitement équitable des consommateurs (TEC) et a indiqué que le TEC était le résultat logique d’un régime de réglementation fondé sur des principes. Ce régime est issu de l’évolution qui s’est amorcée au Royaume-Uni à la suite de la crise financière mondiale. Une source essentielle de principes de l’assurance est le travail effectué par l’International Association of Insurance Supervisors en ce qui concerne les principes fondamentaux de l’assurance (ICP), en particulier l’ICP-19, qui établit les principes fondamentaux de conduite sur le marché de l’assurance. Ce principe permet d’examiner un produit tout au long de son cycle de vie.
Christie Ford a indiqué que la RFP et la capacité à faire respecter les règles ne s’opposent pas, mais qu’elles se complètent. Les règles offrent certains avantages, car elles apportent de la certitude et de la clarté, mais elles peuvent aussi être restrictives et arbitraires. Le défi pour les organismes de réglementation est de trouver un juste équilibre. L’essentiel est de mettre en œuvre correctement la gamme d’outils dont dispose l’organisme de réglementation. Le dialogue avec l’industrie est nécessaire pour clarifier les points imprécis.
Stuart Carruthers a ajouté que l’avantage d’une autorité fondée sur des règles est qu’elle permet aux organismes de réglementation de réagir plus rapidement aux changements. La réglementation fondée sur des principes devrait permettre de mettre en place un système plus efficace, car l’industrie pourrait fixer les attentes d’une manière qui soit logique pour les entreprises. Elle permettrait également aux organismes de réglementation de se concentrer sur une approche fondée sur le risque, qui privilégierait les questions réglementaires les plus importantes à examiner. Un inconvénient de la RFP est qu’elle peut créer plus d’ambiguïté, ce qui peut entraîner une augmentation de la charge de travail et des besoins de ressources. Pour les petites entreprises qui disposent de peu de ressources, en particulier, les approches fondées sur des règles peuvent être plus faciles à gérer.
Cristie Ford a expliqué que la RFP nécessite un changement de mentalité en ce qui concerne l’approche adoptée en matière de réglementation. La RFP est une approche réglementaire continue et évolutive qui nécessite de la confiance et de la transparence. Les organismes de réglementation devront peut-être offrir du soutien aux petites entreprises qui disposent de moins de ressources. Christie Ford a ajouté que si la RFP peut favoriser l’innovation, toute innovation n’est pas nécessairement bonne – et les produits financiers qui ont conduit à la crise financière en sont un exemple. Stuart Carruthers a indiqué que selon lui, un régime axé sur la RFP favorise l’innovation parce qu’il est plus souple et s’adapte mieux au changement.
Selon Stuart Carruthers, le Canada ne dispose pas d’un régime de RFP à l’échelle nationale, et les provinces n’en sont pas toutes au même stade, mais on observe une tendance générale vers la réglementation fondée sur des principes. En ce qui concerne le fait que l’industrie canadienne de l’assurance compte 17 organismes de réglementation et qu’une harmonisation est donc nécessaire, Stuart Carruthers a mentionné le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) et l’OCRA comme exemple d’un effort de coordination des activités. Cependant, il existe également des silos où certaines provinces prennent des directions différentes. De plus en plus de provinces accordent à leurs organismes de réglementation le pouvoir de créer des règles, et les organismes de réglementation dotés de ce pouvoir ont tendance à l’utiliser.
Cristie Ford a indiqué qu’il valait mieux confier aux organismes de réglementation le pouvoir de créer des règles plutôt que de se fier aux législateurs pour modifier les règles en cas de besoin, ce qui prend beaucoup de temps. Toutefois, il ne faut pas en conclure que des règles doivent être créées à moins qu’elles ne soient absolument nécessaires et que les règles en vigueur ne permettent pas d’obtenir les résultats que les organismes de réglementation souhaitent obtenir. Stuart Carruthers a indiqué qu’une partie du travail effectué par l’ARSF représente la référence au Canada en matière de réglementation fondée sur des principes.
Stuart Carruthers a expliqué qu’une approche fondée sur des règles amène les services chargés de la conformité à tenir un rôle d’arbitre, tandis que la RFP les amène à tenir un rôle d’entraîneur. À propos de la façon de démontrer la culture du TEC, Cristie Ford a indiqué que le concept était difficile à mesurer, mais qu’un dialogue continu et la transparence peuvent aider à montrer que l’industrie réglementée agit comme il se doit.
Stuart Carruthers a indiqué que le Canada était un leader mondial en ce qui concerne la RFP et que les organismes de réglementation canadiens entretiennent de meilleures relations avec leurs entités réglementées comparativement à de nombreuses autres administrations. Le Canada n’est pas confronté aux problèmes que connaissent d’autres administrations où les organismes de réglementation privilégient les amendes pour générer des revenus et où les responsables de la réglementation sont nommés pour des raisons politiques et utilisent ces postes comme un tremplin pour leur carrière politique.